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Art Primaire Paintings of the Apes


Art Primaire 

« LES SINGES PEINTRES »
Paintings of the Apes
Jean-Siméon CHARDIN
Paris, 1699 - Paris, 1779

Le singe peintre 
Vers 1739 - 1740 
H. : 0,73 m. ; L. : 0,59 m.

Ce tableau dont on connaît plusieurs autres versions est peut-être celui du Salon de 1740, qui avait pour pendant un Singe antiquaire, disparu. Comme Watteau, Lancret ou Huet, Chardin s'inspire sans doute des singeries de Téniers, peintre flamand très en vogue au XVIIIe siècle. 
Legs du Dr Louis La Caze, 1869.
Département des Peintures.

" Les Singes Peintres " Mooky & Sabrina
s'adonnent à la peinture !



QUI SONT Mooky & Sabrina? 

Mooky, 2 ans et Sabrina 4 ans, sa mère nourricière, deux jeunes « artistes peintres » recueillis par la Mission Française de Protection sont parmi les derniers porte-parole de leur espèce menacée d'extinction totale.

À ce jour 25 espèces de primates sont concernées par le trafic criminel, alors que d'autres espèces sont déjà définitivement éteintes (Classement établi par UNCN/SSC Primate Specialist Group). 

Acrylique sur toile 130x175cm réalisée par Mooky et Sabrina (2010-2011)

La peinture est le langage universel que Mooky et Sabrina ont choisi pour s'exprimer, un pont jeté entre eux et l'humanité afin de tenter de provoquer une prise de conscience générale sur le sort qui leur est réservé.
Acrylique sur toile 155x174cm réalisée par Mooky et Sabrina (2011) 

Nous tenons à préciser que la peinture, qui est un jeu pour les singes à l'état naturel, fait partie des nombreuses activités quotidiennes au cours desquelles ils explorent leur environnement.
Les éléments qu'ils utilisent dans la nature, tels que le sol, l'eau et la boue ont été remplacés par une toile pour le sol et de la peinture pour l'eau et la boue.

La peinture employée est de la peinture alimentaire et acrylique non nocive et nettoyable à l'eau, pareille à celle utilisée par les enfants...
L'exécution de leurs œuvres n'a été réalisée sans autre intervention humaine que la mise à disposition de la toile et de la peinture.  
Nous rappelons au public que les œuvres présentées ne peuvent être vendues

LE CATALOGUE VIDÉO DES " SINGES PEINTRES "

LE CRÉPUSCULE DES ANGES
Documentaire sur les singes " Peintres "
Mooky & Sabrina



Inséparables, Sabrina, guenon de trois ans, est la mère nourricière de Mooky, petit singe de sept mois

Aix-en-Othe- Mooky, sept mois, et Sabrina, trois ans, recueillis par le refuge de la ferme à Aix-en-Othe, exposent leurs œuvres dès aujourd'hui
Le secret avait été bien gardé. Seuls les initiés connaissent l'existence de la Mission française de protection pour primates en danger (MFP). Créée en 2007 par Jean-Jacques Younès, c'est au cœur du pays d'Othe, dans la commune d'Aix-en-Othe, au calme, loin du tumulte de la ville, que l'association a installé le refuge de la ferme. Un site, mis à disposition par un ami, dont il finance le fonctionnement sur ses fonds propres et avec l'aide de quelques dons privés. Sa mission: recueillir les primates abandonnés, issus du commerce illégal, de zoos, de laboratoires ou de cirques, afin de préserver les espèces menacées de disparition et les réadapter à la vie sauvage en vue de les réintégrer dans leur pays et habitat d'origine, du moins lorsque cela est possible.

Fraises des bois et pétales de roses
Les singes n'ont aucun secret pour cet ancien chef d'entreprise. Après avoir travaillé pendant trente ans auprès d'autres structures du même type et élevé une guenon pendant vingt-sept ans, il décide de se jeter à l'eau, en créant la MFP. « Par amour pour les singes » et surtout parce qu'il juge la cause à défendre « juste ».

Si Joachim Younès n'a actuellement que deux pensionnaires, ces derniers lui réclament une attention toute particulière. « C'est du 23 heures sur 24. Cela demande beaucoup de temps et d'observation », confie-t-il.
Ce n'est pas pour déplaire à Sabrina, guenon de deux ans et demi, ni à Mooky, mâle âgé de sept mois. Des magots du Maroc, qui s'entendent comme larrons en foire. « Ils bénéficient d'un programme de réadaptation à la vie sauvage, jusqu'à ce qu'ils arrivent à maturité sexuelle, c'est-à-dire, quatre ans. »
En semi-liberté, leur enclos a été conçu afin de répondre au mieux à leur équilibre sanitaire, physique, psychologique et social. Un passage obligé dans leur planning journalier, essentiellement consacré à des sorties dans la forêt, encadrés par des soigneurs. « Ils retrouvent leurs instincts primaires, en se consacrant à la recherche de la nourriture. » Granivores et insectivores, ils se régalent de fraises des bois, salade, pétales de roses, groseilles et autres pâquerettes…

Des peintures avec les mains et même les fesses
Mais ce qu'ils aiment par dessus tout, c'est explorer leur environnement à travers le jeu. Et c'est en les observant, que Joachim Younès a eu l'idée de les initier à la peinture. « Je les voyais faire des traces avec leurs mains dans la terre. J'ai décidé de la remplacer par une toile pour les amuser. » Et ça marche. Il ne faut pas longtemps à Mooky et Sabrina pour comprendre à quoi ça sert. Face à la feuille vierge, les singes choisissent leurs couleurs en fonction de leurs envies. « Au début, j'ai tenté de les diriger. Mais plus je cherchais à le faire, plus ils mettaient la toile en lambeaux. Alors je les ai laissés. Finalement, ce sont eux qui m'ont guidé. »
Avec les mains, les pieds ou les fesses… À chacun sa technique. Si Sabrina est plus posée, Mooky, assez fougueux s'en donne à cœur joie. « C'est le plus rigolo. Il se désintéresse de la toile, ce qu'il adore, c'est voir les filets de peinture dégouliner de ses doigts. » Cela donne lieu à des réalisations abstraites et originales. « On leur laisse faire ce qu'ils veulent. Aucune œuvre ne se ressemble. »
Oui, les primates aussi ont du talent. Et pour ceux qui en douteraient, il suffit d'aller jeter un coup d'œil à leurs réalisations exposées dès aujourd'hui à Aix-en-Othe pour en être convaincus. Plus qu'insolites, ces singes artistes-peintres sont tout simplement étonnants!

Aurore Chabaud, l'est-eclair


Dossier

LE PEINTRE DESCEND-T-IL DU SINGE ?

Avant propos
L'observation du mode de vie des animaux,  peut nous aider à réfléchir sur nous-même de manière originale.
Dans notre société contemporaine caractérisée par la perte des valeurs et des repères, les actions pour le  respect de l'animal et de l'environnement peuvent initier de nouveaux challenges humains, instruire par une véritable force créatrice, l'encouragement à la préservation de certains principes vitaux.
Par la simple mise en oeuvre de principes générateurs d'innovations, elle peut ainsi nous permettre de sortir de l'impasse actuelle du déni, en ce qui concerne l'importance de la responsabilité sociétale.

Joachim Younès, président-fondateur de la MFP

Dossier : Le peintre descend-t-il du singe ? Par le Docteur Pierre Theil.

L'homme ne descend pas du singe bien sûr... tout au moins chacun de nous dans son particulier... quant aux  autres ?

Mais revenons à des notions plus scientifiques.

L'anthropologie zoologique veut que les hominiens soient des cousins germains des autres primates : non point issus d'eux, donc, mais seulement dérivés d'une branche commune.
Il est cependant une variété de l'espèce homo sapiens pour laquelle on peut se demander si la science moderne n'a pas tort... Cette variété, c'est l'homo sapiens pictor, autrement dit l'Artiste-peintre.

Comment, direz-vous... vous prétendez faire descendre du singe les Primitifs italiens, Jean Fouquet, le Titien. Léonard de Vinci, Le Caravage, Rembrandt, Goya, Courbet, Van Gogh, Matisse... et combien d'autres ?
Continuez cette liste, je vous prie... Mais ceci demande quelques explications.

En septembre 1957 - Sir Julian Huxley, ancien directeur de l'Unesco (et frère d'Aldous Huxley, l'ineffable auteur du « Meilleur des Mondes »)  inaugurait à la London Art Gallery, une exposition consacrée à l' « Art des singes  » ou plus exactement aux œuvres des singes artistes-peintres.

Comment réagit le monde des arts ?... 

Le moins qu'on puisse dire est que l'exposition suscita des remous assez vifs. Certains crurent à une galéjade... D'autres sentirent le rouge de l'indignation leur monter au front. Comment, disaient ceux-là, osez-vous insulter la peinture, l'art, et à travers eux, la dignité de l`homme. D'autres s'enthousiasmèrent. Enfin, disaient-ils, voici une voie d'inspiration nouvelle et pure, la source même de l'art pictural !

Qui avait raison ?... Sur le moment, la seule chose évidente fut que l'exposition permit quelques bonnes affaires. Une partie des « œuvres » exposées, ayant été mise en vente ultérieurement, atteignit des cotes à faire pâlir bien des « travailleurs du pinceau » appartenant à l'espèce homo sapiens !
Mais le recul a permis de réfléchir. Et il devint alors évident que l'exposition n'avait pas été sans intérêt, surtout en ce qui concerne l'étude des fondements de l`expression artistique. Car elle a ouvert des horizons inattendus sur le sens d'une certaine peinture « abstraite »... tout au moins de celle qui représente une « recherche » véritable. en éliminant tout le fatras douteux de barbouillage spéculatif dont la peinture moderne est malheureusement surchargée.

Le Singe, ce rustre zoologique, ce « primate de base ››, peut donc peindre ?

Eh oui !... Il existe même 32 singes artistes-peintres. Nous entendons par là 32 singes catalogués, répertoriés... pour certains l'on pourrait même dire cotés...ayant produit des « œuvres » graphiques et picturales ! 
Zoologiquement, ces 32 artistes se répartissent ainsi: 23 chimpanzés, 4 capucins, 3 orangs-outangs, 2 gorilles (et deux magots non cotés dont les œuvres picturales sont représentées dans cette vidéo :

L'art ne connaît pas de frontières génétiques !

Mais... comment un singe peut-il dessiner ou peindre ?... 
Pour nous faire une idée, observons l'un des plus connus parmi ces artistes d'un genre inattendu, pendant qu'il s'abandonne à l'inspiration.

Le singe peintre Congo
Congo (1954-1964) est le nom d'un chimpanzé qui apprit à peindre sur du papier et des toiles avec Desmond Morris, un zoologiste, ethnologue et peintre surréaliste. C’est sans doute Desmond Morris qui a le plus contribué à la visibilité des singes peintres. Il publia des livres et articles sur le sujet mais réalisa également, dans les années 50, une série de documentaires pour la BBC. Il travailla plus particulièrement avec Congo, un jeune chimpanzé du zoo de Londres, passionné de peinture.

Une peinture réalisée par Congo

Congo est un aimable chimpanzé du sexe masculin, qui habite d'ordinaire Londres. Il a commencé à peindre à l'âge de deux ans, au sortir d'une longue crise de dépression qui suivit la perte de sa liberté et de sa forêt natale. Mais Congo s'est habitué à la vie civilisée qui lui apporte aussi des avantages, notamment celui d'être débarrassé du souci d'avoir à partir continuellement en quête de son pain quotidien. 

Pour l'instant, c'est un chimpanzé bien propre - cela nous change de certains artistes sapientiaux ! --  a l'air intelligent avec son mufle blanc encadré de grands favoris roux, ses cheveux à la Beatles, ses grandes oreilles, ses arcades sourcilières proéminentes comme des visières au-dessus des yeux vifs... 
Il se tient sagement assis sur sa petite chaise d'enfant, devant sa table de travail où est posée une grande feuille de papier blanc... sauf qu'il a mis un pied sur sa table pour mieux tenir son papier... Mais il paraît que le fait est habituel chez les artistes chimpanzés !

On lui tend un crayon... Congo saisit l'objet, le flaire et essaie de le mordiller... ce qui lui vaut une réprimande. Alors il le prend à pleine main, comme un bâton, et appuie la pointe sur le papier. Puis son bras bouge un peu : alors il s'arrête et contemple longuement cette petite chose bizarre qui sort du bout de son crayon, comme un tortillon de pâte dentifrice.  Va-t-il continuer ?... Il hésite, et soudain recommence. Cette fois, il « travaille » sans discontinuer, traçant une ligne après l'autre, l'on n'oserait pas dire que cela « prend forme », car ce serait insulter ce que vous et moi appelons communément l' « art »... Mais nous verrons que Congo ne trace tout de même pas n'importe quoi.

L'inspiration se poursuit pendant quelques minutes, puis Congo s'arrête et on change la feuille. Ravi, il recommence. Mais son crayon s'est usé: alors, tout comme un véritable artiste dont l'inspiration a été coupée. Congo entre en transe et trépigne; il jette le crayon, hurle et menace de détruire son œuvre. On lui en tend un autre: instantanément il retrouve son calme.

L'artiste avait avalé son crayon...

Au bout d'un quart d`heure ou d'une demi-heure, cela dépend, Congo est fatigué. Alors, il jette son crayon, donne de grands coups de poing sur la table et commence à dévorer son tableau, si l'on n'intervient pas assez vite. D'autre fois, il s'interrompt pour se livrer de façon inattendue à une exhibition gymnastique, gambadant et se balançant à tout ce qui lui tombe sous la main... Puis calmé, défoulé, il se remet au travail. Mais tout cela n'est rien à côté de l'instant sublime...  où Congo peint ! On lui a confectionné tout exprès une petite table garnie de six godets contenant chacun une couleur :  rouge, jaune, vert, bleu, noir et blanc. Il serait certes intéressant, du point de vue de la libre création artistique, de laisser le brave animal s`abandonner à son génie créateur. Malheureusement les choses se compliquent car Congo ne connaît nulle joie supérieure à celle qui consiste à mélanger les couleurs dans les godets jusqu'à ce qu'il n`y ait plus, partout, qu'une même teinte brun sale qui représente sans doute pour lui le sommet de l'art pictural.

Quant à la toile... il n`en a cure ! Il a donc fallu se résigner à limiter la liberté de l'artiste en lui passant le pinceau enduit d'une couleur, l'une après l'autre, et en laissant l'œuvre sécher après chaque application. Nous reparlerons du résultat. Pour des raisons de sécurité, il a également fallu limiter son talent à l`utilisation de la peinture à l'eau, plus spécialement aux couleurs « sans danger ›› qu'utilisent les enfants. Car l'artiste Congo s'est montré prêt à toutes les audaces. S'il répugne à tremper ses doigts dans la couleur (les singes ont horreur de l'eau ! …mais pas tous…)  il a - par contre - inventé une suprême originalité: « la peinture  à la langue ». 
Il a également découvert aux couleurs une utilisation comestible: le blanc, surtout, lui paraît plein de saveur, et il faut beaucoup de vigilance pour l'empêcher d'en faire l'usage habituellement réservé au lait.
Encore Congo est-il un gentil petit animal obéissant à son soigneur... 
Mais d'autres magisters n'ont pas cette chance. 
Par exemple, le soigneur de Christine, jeune chimpanzé femelle de deux ans, voulait absolument que son élève fasse des tableaux avec des craies de couleur : Christine s'assit tranquillement et mangea toute la craie. Un autre faillit avoir des ennuis terribles : son élève Achilla. un gorille femelle, avala le crayon ! 
Il fallut pratiquer d'urgence une gastrotomie, dont le grand artiste - grand au sens linéaire du terme, du moins - se remit parfaitement.

Pour en revenir à Congo, il est aussi capricieux et ne tolère pas d'être observé par des étrangers quand il se livre à son inspiration naturelle. L'arrivée d'un intrus le met en fureur : il pousse les hauts cris, jette le crayon ou le pinceau et tape à toute force sur la table. Sa réaction est encore plus violente si l'on vient à interrompre l'œuvre commencée. 
Furieux d`être interrompu dans son élan créateur, Congo menace de griffer et de mordre! Bon gré, mal gré, il faut se résoudre à le laisser aller jusqu'au bout : alors, il tend le crayon, gentiment, signifiant par là qu'il a fini. 

Cette curieuse réaction, ce sens de « l'achèvement ›› de l'œuvre,  a été observée chez tous les artistes-singes. Aucun ne tolère d'être interrompu avant de s'être complètement. totalement exprimé. Précisons que, jamais Congo -- ni aucun de ses confrères -- n'a reçu la moindre récompense pour son œuvre. Ni banane, ni un fruit quelconque, ni un morceau de sucre, ni une gâterie. 

L'artiste-singe peint pour livrer au monde le message de sa pensée secrète, de ses désirs et de ses enthousiasmes. C'est réellement l`art pour l'art.
Un seul iconoclaste sapiental entreprit, « pour voir » de récompenser un artiste-singe : il espérait peut-être améliorer ou intensifier la production... Hélas ! Quand l`artiste eut compris au bout de quelques séances, qu'il avait droit à une banane pour un dessin, il changea sa manière de faire : il se dépêchait de griffonner n`importe quoi... et tendait la main pour réclamer son dû.  Il fut impossible de le ramener à une notion plus saine de la création artistique. Son âme était perdue: l'art mercantile était né !

Mais, direz-vous, cet « artiste-singe » Que dessine-t-il ? Que peint-il ?
Il est dommage que nous ne puissions reproduire ici les fort curieuses peintures en couleurs exécutées par Congo et ses confrères... au bas desquelles les signatures de certains de nos tachistes ne paraîtraient pas du tout insolites!

Mettons une feuille blanche devant l'obligeant Congo, ou l'aimable Betsy, ou l'étrange Bella, ou l'ahurissante Sophie, la guenon gorille deux fois grosse comme son soigneur, insolite derrière son pupitre d'écolière avec le fétu de son crayon bien serré sous son index replié en crochet... et attendons. Qu'est-ce que cela va donner ?
Un gribouillage, bien sûr, car l'on ne saurait donner un autre nom aux « crayons et aux fusains  » de nos artistes en branche. Mais, à l'analyse, ce gribouillage se montre révélateur.
Première constatation : l'artiste respecte toujours les limites du papier ; jamais il ne déborde. 
C'est signe qu'il possède en lui la notion de l'œuvre en tant qu'élément distinct de l'environnement.  Il éprouve le sentiment -- confus, sans doute, mais réel -- des rapports qui unissent le papier, le crayon... et son propre cerveau. C'est l'essence, la base, la source du sentiment artistique.

Il ne faudrait pas croire, non plus, que notre animal gribouille n'importe quoi ! Chaque artiste a son style, sans doute en rapport avec sa personnalité profonde, à un tel point que les spécialistes identifient très bien l'auteur d'un tableau. Le tracé énergique, appuyé et relativement coordonné de Fifi,  chef autoritaire d'une petite tribu de chimpanzés, contraste avec le style léger, fantaisiste, du conciliant Beebee, qui doit être quelque chose comme le poète de la troupe. Celui de Congo, fait de longs traits légers, souvent orientés en éventail, d'autres fois de cercles et  d'ovales harmonieux, n'a rien de commun avec le trait écrasé et heurté de Sophie, la guenon gorille. Bien plus, le style évolue avec l'expérience. Timide et hasardé au début, le dessin s'affirme par la suite et prend de la sûreté: l'artiste a conquis la maîtrise de son art.

Livrons-nous maintenant à un autre genre d'expériences

Remplaçons le papier blanc par une feuille sur laquelle on a dessiné un motif simple : un carré gris par exemple. Eh bien, ce motif déjà existant va influer sur la composition de l'œuvre, et l'artiste va réagir de deux manières différentes. Si le motif est situé au centre de la feuille, il va provoquer chez le singe une réaction de marquage, c'est-à-dire que l'animal gribouille à peu près exclusivement sur le motif ou ã son voisinage, en ignorant le reste du papier. Si, au contraire, le motif est nettement décalé (à gauche ou à droite, en haut ou en bas), il provoque une réaction d'équilibration, c'est-à-dire que l'animal décale son propre dessin du côté où se trouve l`espace blanc, de façon à équilibrer grossièrement les masses optiques.

Quelles conclusions tirer de ces faits ?...

Celle qu'il existe chez l'artiste-singe un incontestable sens artistique. Que celui-ci ne correspond pas a nos normes - du moins à nos normes traditionnelles -- ne change rien à la chose. L'animal peint pour lui et éprouve une joie profonde à exprimer sa personnalité. Il y met aussi une pointe d'originalité, sa « touche » personnelle. Là est l'essentiel.

Mais la conclusion la plus inattendue est celle que l'on tire en comparant les dessins des artistes-singes avec ceux d`enfants humains. Donnons une feuille et un crayon à un enfant de dix-huit mois ou deux ans : son gribouillage apparaît très voisin de celui de nos singes. Tout comme son frère inférieur, l'enfant respecte les limites du papier et centre grossièrement son « dessin ». Sur la feuille marquée d'un carré, il manifeste les mêmes réactions de marquage ou d'équilibration, selon le cas, avec toutefois de petites différences: l'équilibre de la composition de l'enfant est moins bon; par contre, il manifeste une plus grande recherche dans le détail, en réalisant diverses variantes de ses figures (ce que le singe ne fait jamais) : il montre par là une tendance ù la recherche inventive, qui est le propre de l`espèce humaine.

Terminons par une remarque... inattendue. Des expérimentateurs à l'humeur taquine eurent un jour l'idée de soumettre des dessins d”artistes-singes à des psychologues... sans révéler leur origine. Le résultat fut surprenant! Une œuvre du Docteur Tom (un chimpanzé) fut considérée comme émanant d' un enfant de sept ou huit ans témoignant d'agressivité et de tendances paranoïaques. Une œuvre de la guenon Beth fut interprétée comme émanant  d'une fillette de dix ans farouchement révoltée et de type schizoïde » ; et une autre de la même, comme celle d'une fillette de dix ans, de type paranoïde, et présentant un complexe d'Oedipe inversé .

À la décharge des psychologues-psychiatres, il faut dire que leur diagnostic était fondé sur la  comparaison avec des critères pathognomoniques humains ... qu'il est certainement abusif d'appliquer à l'espèce Singe !

Le chimpanzé a une manière très caractéristique de se tenir en travaillant

De la peinture d'adulte à l'infantilisme

Avant de terminer, nous examinerons un dernier aspect de cette question, non moins important sur le plan philosophique. Un artiste-singe, même en le supposant spécialement doué et « ayant appris la peinture », parviendra-t-il à dessiner ou à peindre comme un artiste- homme ?
Certainement pas. Pourquoi ?...

La clef de la réponse se trouve dans la magistrale étude que la psychologue américaine Rhoda Kellogg a consacrée à l'ontogenèse de la représentation picturale. Utilisant plus de 200000 dessins d'enfants de deux à dix ans, cet auteur a réussi à dégager les stades par lesquels passe le sens du dessin au cours de la croissance de l'enfant... en somme, quelles sont les étapes intermédiaires de la représentation graphique, du gribouillage du tout-petit au dessin bien formé du grand enfant. Pour mieux comprendre, étudions par quels mécanismes un enfant devient apte à dessiner une silhouette humaine... Vers un an, il est tout juste capable de tracer un ensemble de lignes, mais comme il n'a pas encore compris le mystère de l'« aller et retour ». il en est réduit à tracer des lignes courtes et entrecoupées.

L'idée de continuité entre des lignes différemment orientées lui vient vers deux ans : il trace alors des boucles écrasées et embrouillées ; ces boucles s'arrondissent peu à peu pour devenir des spirales, qui se contractent bientôt en un cercle, et celui-ci devient à peu près correct vers trois ans. Un peu plus tard, l'enfant commence à remplir le cercle avec des points et des traits en désordre (phénomène identique au  « marquage  ») ; un peu plus tard, le dessin s'épure et se transforme en « roue de gouvernail ». Celle-ci, à son tour, deviendra une tête avec des cheveux, et bientôt des yeux, un nez et une bouche. Vers quatre ans, l'enfant accroche à cette tête quatre traits figurant les membres. Il ne lui reste plus qu’à isoler le corps et ajouter les doigts et les pieds...

À partir de cinq ans, l'aptitude à réaliser une image figurative est complète, et l'enfant va prendre ses modèles dans le monde extérieur (une maison, un chien, une fleur), au lieu de les puiser dans son inspiration profonde, comme il a fait jusqu'à trois ans. Or, le rapprochement des dessins d'artistes-singes et d'artistes-enfants montre que le stade le plus  évolué atteint par l'animal est celui du cercle marqué. C'est le stade auquel parvient normalement  un enfant de trois ans. C'est aussi celui qui correspond au point ultime de l'abstrait véritable. Au-delà commence l'ébauche, encore maladroite, mais certaine : c'est le début de l`art figuratif.

Un curieux rapprochement - qui n'est d'ailleurs nullement une coïncidence - nous montre que le stade du « cercle marqué » représente à la fois la limite extrême de l'art abstrait, et le summum des possibilités du cerveau simien. On peut en conclure que l'artiste-singe - qui est incapable de dépasser le niveau d'un enfant de trois ans- ne fera jamais de dessin figuratif.
Renversons maintenant notre question du début, et formulons-la de la façon suivante : un artiste-homme peut-il peindre comme un singe ?

Pour répondre, nous devons faire un rapide tour d`horizon de ce que fut et de ce qu'est devenue la peinture. De la fin du Paléolithique (l'art magdalénien, aurignacien, solutréen) à la fin du XIXe siècle, c'est-à-dire pendant près de vingt-cinq mille ans. la peinture a été à peu près exclusivement figurative. Mais, depuis le début de ce siècle. toute une série de mouvements plus ou moins en « isme » ont prétendu l'entraîner dans la recherche des sources de l'inspiration picturale. En fait, l'analyse des peintres modernes nous permet de les répartir en quatre tendances, du point de vue de l'évolution psychologique :

a) Les peintres figuratifs vrais: ce sont les peintres classiques, qui cherchent leur source d'inspiration dans le monde extérieur et prétendent représenter les êtres et les objets tels qu'ils sont. D'après ce que nous avons dit, nous voyons qu'ils correspondent au stade de maturité de l`être humain. C'est une peinture d'adultes.

b) Les figuratifs oniriques : ce sont les peintres du rêve et les peintres du subconscient. Prétendant s'inspirer de la psychanalyse, ils cherchent à adapter les lois picturales au domaine des pulsions psychiques, ils reflètent la montée au grand jour des images mystérieuses de l'inconscient. De cette catégorie relèvent notamment les «  Surréalistes  », et nous pourrions citer les noms de Salvador Dali, Magritte, Jean Lurçat, Yves Tanguy, etc.

c) Les peintres figuratifs infantiles : ceux-là représentent aussi des êtres et des objets, mais sous une forme imparfaite, modifiée, incomplète, erronée. C`est du point de vue psychologique » le stade atteint par les enfants entre trois et cinq ou six ans. De nombreux peintres modernes entrent dans cette catégorie : c'est le cas de Juan Miro, Dubuffet, Gromaire, des « peintres du dimanche »  (Henri Rousseau) et de nombreuses œuvres de Van Dongen et de Picasso, etc. Il suffit de mettre côte à côte un de leurs personnages et un bonhomme dessiné par un enfant, pour se rendre compte que ces peintres sont de vrais figuratifs, mais au stade infantile.

d) Les peintres abstraits : ceux-là ne prétendent pas représenter le monde réel, mais puisent leur inspiration dans les stades primordiaux de la différenciation graphique. Il n'est donc pas étonnant que les éléments de leur peinture se retrouvent à la fois chez l`enfant de moins de trois ans et chez l'artiste-singe. Dans cette catégorie, nous devons citer les noms désormais classiques de Kandinsky, Piet Mondrian, Elliott, Picabia. Paul Klee, Robert Delaunnay, Morgan Russel, Kupka. Arp. Ben Nicholson, et les « tachistes » de la suite de Hans Hartung. Ceux-là seuls sont les vrais peintres abstraits, psychologiquement parlant.

Remarquons bien que certaines de leurs compositions (nous pensons à certaines peintures de Nicholson, d'Eliott, et au fameux « Victory Boogie-Woogie » de Mondrian) ne manquent ni de charme, ni d'harmonie... C'est aussi le cas, d'ailleurs, des peintures d'artistes-singes de talent comme les chimpanzés Congo, Zippy, Betsy, l'orang-outan Alexandre, la gorille Sophie: certaines de leurs œuvres ne dépareraient nullement les murs du salon d`un amateur de peinture abstraite.

Cette constatation, nous le voyons, répond à notre seconde question : 
oui l'homme peut peindre comme un singe !

Docteur Pierre Theil

Le gorille contrairement au chimpanzé fait beaucoup moins " le singe " en travaillant...


Ici le singe magot Mooky semblant danser avec aisance avec l'équilibre pictural qu'il veut donner à sa toile   

L'observation du mode de vie des animaux, 
 peut nous aider à réfléchir sur nous-même de manière originale

Dans notre société contemporaine caractérisée par la perte des valeurs et des repères, les actions pour le  respect de l'animal et de l'environnement peuvent initier de nouveaux challenges humains, instruire par une véritable force créatrice, l'encouragement à la préservation de certains principes vitaux.

Par la simple mise en oeuvre de principes générateurs d'innovations, elle peut ainsi nous permettre de sortir de l'impasse actuelle du déni, en ce qui concerne l'importance de la responsabilité sociétale. 

Vote For Your Favorite Chimpanzee Artwork!
((Votez pour votre peinture favorite d'Artiste Chimpanzé!)

Source
Extrait : Article paru dans la revue La Vie des Bêtes et l'Ami des Bêtes, janvier 1966.
samedi 1 décembre 2012. Jacqueline Waechter

Louisiane, 30/08/2013 : Recueilli par un sanctuaire aux États-Unis après avoir servi comme cobaye dans un laboratoire, Brent, un chimpanzé de 37 ans et peintre est l'heureux gagnant du concours de la Human Society et récolte 10.000 dollars pour son sanctuaire ! 

À 37 ans, on peut dire que Brent est au firmament de sa carrière d’artiste peintre. Il a en effet remporté jeudi un prix de 10.000 dollars lors d’un concours d’art organisé par la Humane Society of the United States, association qui a pour but de promouvoir la défense des animaux à l’échelle internationale. Rien que de plus normal… si Brent n’était pas un chimpanzé.
Le primate, qui peint avec sa langue alors que d’autres singes utilisent un pinceau, a été déclaré meilleur artiste du pays à l’issue d’un vote par Internet, auquel plus de 27.000 personnes ont pris part. Son prix sera versé à Chimp Haven, le refuge pour chimpanzés qui l’accueille à Keithville, dans le nord-ouest de la Louisiane.

PRIX JANE GOODALL
La compétition mettait en concurrence cinq autres refuges américains, qui présentaient des peintures réalisées par leurs pensionnaires. Un prix était également décerné à l’artiste préféré de la célèbre primatologue Jane Goodall. Elle a choisi une peinture créée par Cheetah, un chimpanzé mâle du refuge Sauvons les chimpanzés, situé à Fort Pierce, en Floride. Ce dernier a remporté 5.000 dollars.

Cheetah a également remporté un autre prix de 5.000 dollars, étant arrivé deuxième du vote par Internet. La troisième place, et le prix de 2.500 dollars correspondant, a été remporté par Ripley, qui réside au Centre pour les grands singes de Wauchula, en Floride.

Photos : The Humane Society of the United States & MFP








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